Posté 18 November 2004 - 14:18
Pourquoi parler de sa douleur
S’il paraît évident que l’être malheureux dans un premier temps garde au fond de sa souffrance les raisons de son désespoir, il est à noter qu’il a souvent besoin de l’exorciser.
Il est conscient que les autres s’en foutent comme de leurs premières tatanes, il sait qu’il est un peu ridicule, il sent bien qu’il a perdu toute sa dignité, mais le magma de malaise qui rugit en lui doit être évacué, alors il se lâche avec souvent un peu d’indélicatesse et de maladresse.
Y a –t-il une oreille à l’écoute ?
Le malheureux ne le saura jamais ! Il le ressent, s’en inquiète mais qu’importe le feu qui brûle en lieu est plus fort que tout. C’est lui qui risque de le démolir complètement, d’en faire un zombi, un être décharné sans âme, sans vie et surtout sans avenir.
Alors il croisera « l’affligé », éternellement courbé sur la misère des autres car il aime à s’en abreuver. Le malheureux se confiera et alimentera bien malgré lui la jouissance de « l’Affligé » qui se repaît de la douleur comme une seconde source de vie, comme d’un aliment qui lui fait croire qu’il a de l’importance aux yeux des autres.
Mais une fois le dos tourné, il pressera le pas à le recherche d’une prochaine victime. Car victime il y a, « l’Affligé » ne ravive pas le morale du malheureux, il le maintient dans le précipice, en équilibre instable entre mal et doute.
Alors il croisera « l’optimiste » qui n’a guère de temps à lui consacrer, des fois qu’il lui refile sa maladie ! « L’optimiste » n’a pas les oreilles assez grandes pour se pencher sur la douleur du malheureux. Il ne veut même pas savoir ce qu’est la douleur, alors pensez donc, celle d’un autre !
Alors notre malheureux, le dos de plus en plus voûté par les à-coups qu’il subit, croisera « l’indifférent » qui prétextant une urgence se détournera et changera de trottoir, ou perdu dans de fausses pensées ne daignera même pas l’ombre d’un instant jeter un œil concupiscent à ce manant des idées noires.
Que restera t il alors au malheureux ?
Peut être la chance de rencontrer le rare, rarissime, auditeur qui sans rien dire l’écoutera longuement. Il videra son esprit, sa hargne, déballera tous ses non-dits, bref il s’exorcisera une bonne fois pour toute.
Une franche poignée de main, un sourire, juste un mot, le « juste mot » pour aider celui qui relève la tête au-dessus de l’eau pour reprendre de l’air. « l’Ecouteur » n’aura sans doute pas été « le bavard », « le conseilleur », dans cette histoire, mais la chaleur qu’il aura apporté, l’écoute qu’il aura offerte auront été plus constructifs qu’un long discours, qu’un regard en biais ou q’une parole agacée.
S’il est difficile de savoir si un grand auteur parle d’une violence vécue, il est en revanche évident qu’un quidam par ses réactions, par ses paroles et ses écrits laisse transpirer ses douleurs car il ne sait pas masquer les remous qui le terrassent.
Alors soyons humbles avec celui qui souffre, si nous venons sur un forum c’est pour discuter, et pour discuter il faut être plusieurs. Alors les aléas de la vie engendrent parfois la morosité, au lieu de tirer à vue, juste un petit mot, le « mot juste », celui qui dit « Courage, nous sommes avec toi », celui qui évite les altercations issues d’incompréhensions dues à des tensions personnelles et passagères.
Pourquoi parler de ses douleurs ?
Tout simplement parce qu’on a l’impression de les partager, et le partage des douleurs les rends moins lourdes à porter.